Feindre le peint à la
machine, enfin.
par Tristan Bastit
Les noms sont des désignateurs
rigides
Saul Kripke, la logique
des noms propres
Ces Évanouissements
de L.V. Gogh exploitent le principe des
transparences booléennes dans une structure
stratifiée. La structure stratifiée comporte
ici quatre couches dont l'ordre de succession
propose 24 solutions. Puis, pour chaque
solution, chaque couche porte une image qui
peut prendre 8 états de transparence booléen.
L'ensemble de la structure promet donc 98304
solutions.
On aurait pu en conclure que chaque solution
est une oeuvre différente et que cette
structure possède une potentialité de 98 304
oeuvres. C'eût été confondre les fruits avec
l'arbre. En réalité il n'y a bien qu'une
seule et unique œuvre, l'ensemble
virtuel de la structure et de ses
potentialités, mais dont la manifestation ne
peut exister autrement que réduite à l'une de
ses 98 304 épiphanies possibles. C'est cette
réalité dans la non-existence qui défini ce
que j'ai nommé par-ailleurs l'oeuvre
molle. Ce concept englobant les seules
œuvres conçues délibérément pour offrir
des solutions virtuelles multiples au-delà de
chaque manifestation (épiphanie)unique
dans le réel.
Du point de vue de
l'Oupeinpo, qui se donne pour tâche
l'application de contraintes, le véritable
enjeu était d'astreindre complètement ces
potentialités à une régulation opératoire
ferme.
Une contrainte alphanumérique dont le
déterminateur retenu, comme pour
l'onomométrie, est le marqueur "prénom +
nom", détermine pour chaque cas, et l'ordre
de succession des couches, et le mode booléen
des images superposées propres à rendre
visible l'identité du modèle. Pour ce faire,
écartant la fugacité fallacieuse d'un
quelconque aspect des personnes, nous devons
travailler des images représentatives de
l'universalité du type portraitural. Notre
structure stratique contient deux
autoportraits de Van Gogh et deux Monna Lisa.
Elle met la méditation ontologique de
l'autoportrait, manifestée par Vincent, en
interférence avec la quête de l'"anima" dont
Monna Lisa tient le rôle. Chacun a subit un
certain nombre d'interventions cosmétiques
infographiques de façon à fournir des images
structurantes et des images
picturantes.
L'opérateur, donc, utilisant des seuls prénom
et nom de son modèle, paramètre pour
l'ordinateur des instructions numériques et
des commandes.
Tout d'abord, la
succession de leurs voyelles est traduite en
une suite numérique sur laquelle l'appareil
construit la formule stratique des quatre
couches du portrait. Il assigne ensuite,
selon un code préétabli, à la suite des
consonnes des opérateurs de commandes que
l'ordinateur exécute sur les modes booléens
des images.
La machine passe
alors à l'action en menant à bien trois
processus. Organiser la structure stratique
du portrait imposée par la formule des
voyelles, puis dans chaque couche calculer
pour chaque pixel de l'image une consigne
modale. Cette consigne prendra effet lors des
recouvrements par les pixels d'autres
couches. Enfin pour l'ensemble des
recouvrements des quatre images elle calcule
le bilan pour chaque pixel de tous les
recouvrements et le transforme en un pixel
final unique qu'elle affiche.
Le résultat de ces
opérations est l'apparition d'un portrait
constitué du bilan, pour un ordre stratique
donné, de toutes les interférences modales de
tous les pixels des quatre images
superposées. Pour chaque désignateur rigide
identifiant un modèle ce bilan est unique et
fait apparaître un portrait unique.
Il est très important
de souligner qu'aucune de ces interventions
ne modifie le contenu objectal des éléments.
On en aura facilement la preuve en
rétablissant à volonté chaque image dans son
aspect d'origine.
Le travail de la machine a été de transformer
un paramètrage alphanumérique en
réorganisation d'aspect. Or effectuer sur un
thème donné des élaborations d'aspect
équivaut à une élaboration
stylistique.
Fondamentalement
donc, le parachèvement infographique des
Évanouissements de L.V. Gogh
représente une véritable solution au problème
de la fabrication d'une machine à peindre.
Car il ne s'agit plus d'une machine à étaler
mieux et plus de jaune en moins de temps et
de fatigue, ni d'un dispositif sensible aux
états d'âme du modèle. Très authentiquement,
plutôt, c'est une machine apte à peindre
l'identité du sujet dans le
style des lettres de son nom.
Et chacun sait que "le
style c'est l'Art".
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